
D’abord, et surtout, que même les meilleurs techniciens du monde ne peuvent pas tout maîtriser. Leur ambition légitime, indispensable, de mettre toutes les chances de leur côté, en tentant d’avoir la main sur un maximum de paramètres, se heurte parfois aux aléas d’un match, à des concours de circonstances improbables mais bien réels qui rendent incontrôlables même les plus beaux collectifs, inefficaces même les préparations les plus pointues, les approches tactiques les plus élaborées. On parle là d’erreurs individuelles, de mauvaises inspirations de joueurs, ou de mauvaises décisions d’arbitres, par définition imprévisibles, qui cassent une dynamique en une fraction de seconde, rappelant l’extrême fragilité d’un équilibre collectif, l’infime marge entre une victoire et une défaite, une élimination et une qualification. Vous pouvez planifier, anticiper, vous référer au passé, aux statistiques pour mieux imaginer le futur et la nature du match qui vous attend, aucun outil, aucun schéma de jeu ne vous mettra à l’abri du facteur x, celui qui peut tout changer et sur lequel vous n’avez que peu de prise. Un match n’est jamais qu’une équation à plusieurs inconnues que doivent résoudre, face à face, deux entraîneurs, en sachant que dans les compétitions à éliminations directes, un seul aura la solution, cette formule gagnante qui s’auto-détruira au coup de sifflet final et qu’il faudra réinventer au tour suivant.
« Faut-il désespérer de parvenir à obtenir quelques certitudes dans ce si difficile métier de coach ? »
Plus vous aurez travaillé tactiquement, et physiquement, meilleurs vous serez mentalement, moins d’inconnues vous aurez à gérer, plus de chances vous aurez de gagner, sans jamais parvenir à atteindre ce 100% de réussite qui n’existe pas dans le football de haut niveau, même quand on s’appelle le Barça, qu’on a le meilleur joueur du monde dans son équipe, qu’on a gagné le match aller 3-0. Même quand on est l’Ajax d’Amsterdam, qu’on vient de battre le Real, la Juve, qu’on a gagné 1-0 à l’extérieur, qu’on mène 2-0 à la mi-temps du match retour sur sa pelouse, qu’on se procure de nombreuses occasions et que la finale vous tend les bras. Si même là, Valverde et Ten Hag, avant eux Guardiola ou Tuchel, avec tout le travail effectué en amont par des staffs à rallonge, ne peuvent pas dormir tranquille, faut-il désespérer de parvenir à obtenir quelques certitudes dans ce si difficile métier de coach ?
Si la réussite se provoque, l’échec se renifle…
Non, car on ne perd, ou ne gagne, jamais par hasard. Si la réussite, se provoque, l’échec se renifle. Celui d’un Ajax (2-3) soudain si fébrile défensivement quand il aurait du se sentir si fort offensivement ressemblait aux fragilités parisiennes face à Manchester United (1-2) et rendait l’issue presque inéluctable. On le sentait tellement venir ! A la différence que les Néerlandais sont tombés les armes à la main, fidèles à un système de jeu résolument tourné vers l’avant, qui leur avait notamment permis de mettre quatre buts à Bernabeu, mais qui, face à Tottenham, s’est retourné contre eux. Quand les Parisiens, entre suffisance et fébrilité psychologique, acceptèrent trop vite l’idée de confier les clés du match aux impondérables, aux aléas. Et de se faire punir par deux équipes, moins talentueuses, que tout le monde voyait perdre, mais qui surent provoquer leur réussite. Comment ? En croyant en elles, en leurs capacités d’abord mentales et physiques à rester dans le match, comme un joueur de tennis qui est mené deux sets à rien, balle de match contre lui, et qui joue les points « les uns après les autres » (sic) sans penser à autre chose qu’au suivant. Le reste, les trois buts du gauche de Lucas, la main venue d’ailleurs de Kimpembe… appartiennent à une autre dimension qu’aucun humain n’est encore parvenu à cerner et qui s’appelle la glorieuse incertitude du sport en général, du football en particulier. Car plus que tout autre sport, si on aime tant le foot, s’il est si populaire, c’est aussi parce que, parfois, souvent, ce ne sont pas toujours les meilleurs qui gagnent, ou ceux qui l’auraient le plus mérité. Mais ceux qui ont su y croire le plus.
Pour conclure, cette anecdote racontée par un coach de CFA qui, en se référant sur son logiciel préféré, à un comparatif avec son adversaire du jour, ne donnait que 5% de chances à son équipe de gagner. Et d’afficher ces stats dans le vestiaire avant la rencontre pour mieux motiver ses joueurs qui n’ont eu alors de cesse de faire mentir les chiffres… pour finalement gagner. Grâce à Coach adjoint (!), ils étaient allés chercher ce supplément d’âme qui leur avait permis de provoquer leur réussite !
Tom Boissy – Copyright Coach-Adjoint
La réussite… ça se provoque !