
Solidifié, structuré, salarié… le statut des présidents de clubs professionnels se renforce pendant que celui de leurs homologues amateurs se fragilise dangereusement à mesure que s’effritent les notions de club, de bénévolat et de responsabilité. Au point que les candidats se font rares. Que ceux qui sont en poste le sont souvent à défaut. Ingrate, la fonction n’attire plus, pire, elle apparait comme un repoussoir à tout engagement associatif. Un vrai danger pour l’avenir de nos clubs.
Faut-il être maso pour accepter de devenir président d’un club de district ou de ligue ? La question mérite d’être posée tellement la fonction suscite peu d’engouement et de vocation depuis quelques années que la pratique footballistique a transformé nos clubs en caisses de résonance des problèmes de notre société. Si les entraîneurs, les éducateurs sont au contact direct d’une réalité qui leur impose, également, d’effectuer sans cesse des concessions, des entorses à leurs principes de fonctionnement, au moins ont-ils la possibilité de s’extraire assez facilement d’un projet qui ne correspondrait pas à leurs attentes, à leurs croyances, voire à leurs ambitions Et de laisser leur président, seul, face à une problématique qu’ils ne seraient pas parvenus, par manque de moyens, de compétence, d’énergie ou de courage, à régler eux-mêmes. Car un président, à la différence d’un coach, ne peut pas partir du jour au lendemain. Responsable devant la loi, il est aussi dépositaire d’une politique générale bien plus impactante pour un club que des résultats à court terme, des montées ou des descentes d’une seule équipe… S’il a bien effectué son job de président, son départ, forcément, est un événement autrement plus important car il concerne l’ensemble des licenciés.
Dans les villages, avec le docteur, le curé, le notaire, le maire ou l’instit, il faisait partie des notables, des gens qui comptent, des personnalités qu’on écoute
Lorsque la plupart des clubs amateurs étaient encore des sanctuaires à l’intérieur desquels les dirigeants régnaient en maître, parce que l’ensemble des licenciés respectaient leur engagement désintéressé, leur disponibilité sans limite et le bon sens du discours qu’ils assénaient, le président agissait dans un certain confort, bénéficiant d’un statut qui lui permettait de bien vivre sa fonction, d’en apprécier aussi le relatif prestige. Dans les villages, avec le docteur, le curé, le notaire, le maire ou l’instit, il faisait partie des notables, des gens qui comptent, des personnalités qu’on écoute et pas seulement le soir de l’assemblée générale au moment de faire le bilan moral et sportif de la saison.
Petit à petit, le président du club de foot est descendu de son piédestal pour ne plus être considéré aujourd’hui que comme un dirigeant parmi d’autres qui n’aurait comme seul mérite d’être là… où de moins en moins de personnes aimeraient être. En première ligne de toutes les problématiques du club, il est devenu un pompier de service quand il devrait être un guide, une conscience capable d’offrir une ligne directrice à ses licenciés, une vision à ses éducateurs.
Les présidents qui comptent sur le football pour booster leurs affaires courent le risque de perdre de vue la vocation première d’un club amateur : éduquer et bien vivre ensemble
Ceux qui se lancent dans l’aventure en y espérant une valorisation personnelle en sont généralement pour leur grade tellement la fonction est ingrate qui ne vous expose qu’en période de crise ou de problèmes non résolus, face à des licenciés consommateurs qui abordent le foot comme n’importe qu’elle autre activité de loisirs. Ceux qui acceptent la présidence pour des raisons professionnelles, parce qu’ils comptent sur le football pour booster leurs affaires, se mettent immédiatement sous la pression des résultats et courent le risque de perdre de vue la vocation première d’un club amateur : éduquer et bien vivre ensemble.
Il n’y a guère que ceux qui n’en entendent… rien qui peuvent s’y retrouver, car ils seront alors guidés par leur seule passion du foot, le goût des autres et de l’engagement associatif. Et c’est bien parce que ceux-là sont de moins en moins nombreux, fatigués par le manque de reconnaissance, et la faiblesse des leviers à actionner pour transmettre leurs messages et faire avancer l’idée qu’ils se font de leur club, que ce poste présidentiel est devenu si peu attractif. Car il sera toujours plus difficile de trouver un président, qui ne sera jamais défrayé, encore moins rémunéré, qu’un entraîneur, souvent de passage, qui aura la possibilité de rebondir ailleurs pour continuer sa carrière. Et de laisser son président à ses doutes, à un probable découragement qui l’amènera à envisager de passer la main si quelqu’un d’autre veut bien la lui prendre. La réalité est là qui en oblige de plus en plus à rester à défaut, donc à faire le job à moitié, en attendant…
Et ainsi de fragiliser encore davantage les fondations d’édifices qui ne sont pourtant jamais aussi solides que lorsqu’ils sont bâtis autour d’un binôme président-entraîneur sur la même longueur d’ondes. Hélas pour la santé de notre football amateur, parce que trop d’intérêts divergents guident nos techniciens vers des horizons toujours plus incertains, parce que l’herbe est trop souvent plus verte ailleurs, ces binômes complémentaires sont devenus des exceptions. Quand ils devraient être la norme.
Tom Boissy – Copyright Coach-Adjoint
Président d’un club de foot, à quoi bon ?