
Tous les ans, la FFF publie un classement officieux des meilleurs clubs de jeunes amateurs en fonction de critères très pragmatiques qui concernent les résultats, le niveau des compétitions disputés, le nombre de licenciés, d’éducateurs diplômés etc. Si certains des mieux classés ne manquent jamais de s’en gargariser, ayant beau jeu de valider la méthodologie employée pour séparer le bon grain de l’ivraie, ils oublient un peu trop vite ce que signifie vraiment cette notion de formation chez les jeunes. Quand il s’agit moins de recruter et d’empiler des individualités que de vraiment éduquer, promouvoir et faire progresser des gamins dès l’école de football.
Chez les pros comme chez les amateurs, il en est des clubs estampillés formateurs comme des produits bio, très peu finalement répondent aux vrais critères de labellisation. Car de quoi parlons-nous quand on évoque ce que devrait être le travail de formation d’un club amateur ? D’abord, et surtout, de ce qui se passe dans les écoles de football. Bien avant de s’intéresser à la compétition, aux points à gagner, aux lauriers à récolter, il nous parait essentiel d’estimer aussi, et surtout, la nature du discours entendu par les débutants, jusqu’aux U12, le contenu des séances, le profil des éducateurs, la manière avec laquelle le club dans son ensemble appréhende et encourage le travail de ses intervenants de la première heure. Si essentiels à nos yeux dans l’émergence des vocations mais si peu valorisés dans la réalité du terrain, les éducateurs des écoles de foot sont trop souvent peu expérimentés, peu ou mal diplômés (même si c’est loin d’être rédhibitoire !), et surtout peu concernés par la politique générale de leur club. Pourquoi ? Parce qu’ils sont souvent des éducateurs-accompagnants occasionnels, des parents anciens joueurs (ou pas) qui dépannent et n’ont donc qu’une vision très partielle des enjeux éducatifs qui se trament à cet âge. Souvent, soit ils quittent leur fonction en même temps que leur fils quitte la catégorie, soit ils lâchent l’affaire avant car un autre éducateur est arrivé, plus motivé et carriériste, qui ne tardera pas de son côté à manifester de l’impatience à atteindre les catégories supérieures, et qui n’hésitera pas à changer de club si ses attentes ne sont pas satisfaites. Et le club de se retrouver une nouvelle fois en quête d’un nouvel encadrant, prêt à accepter n’importe quelle bonne volonté à condition qu’elle soit disponible. Et pour se donner bonne conscience, de la pousser à passer les premiers diplômes nécessaires… histoire de gagner quelques points au classement des meilleurs clubs de jeunes amateurs !
si vous avez la chance de tomber sur des éducateurs qui parviennent à les valoriser, elles feront de votre club un vrai club formateur
Formateur, éducateur ou recruteur ?
En attendant, ce sont évidemment les pitchouns qui en pâtissent. Eux qui auraient besoin de stabilité, de vision à long terme, de certitudes dans les apprentissages, et de possibilité de progression dans leur club ne rencontrent souvent que des éducateurs de passage, des politiques éphémères et peu de liens entre les catégories, d’une saison à l’autre. Car, forcément, son club a mieux à faire en misant toute sa réputation de club formateur sur les résultats de ses U14, U15, U16 ou U17, sans forcément considérer qu’il y a un lien entre les deux, préférant parfois recruter des éducateurs pour leur talent de… recruteur plus que de formateur. Il est tellement plus facile de former une équipe de U17 compétitrice en allant chercher les meilleurs éléments des alentours, que de miser sur le travail à moyen terme d’éducateurs dont le seul souci serait de sortir un maximum de joueurs de l’école de foot. Ainsi se sont construits des soi-disant clubs formateurs qui ne s’intéressaient qu’à leurs meilleurs joueurs dans leur école de foot, ou en tout cas les plus performants à l’instant T, délaissant les autres par manque de compétence et d’envie, et qui alimentaient une sorte de mercato des jeunes pour pouvoir se maintenir en National ou en Fédéral. Et de perdre au passage une multitude profils de joueurs méritants, et potentiellement de talent, mais qui ne rentraient pas dans les plans d’un club qui aurait décidé de ne valoriser ceux capables d’exister à un niveau national.
Il est très facile d’accompagner les plus doués, plus difficile d’intégrer tout le monde dans un vrai projet collectif
Le véritable club formateur n’est pas selon nous forcément celui qui parvient à présenter toutes les saisons ses équipes au meilleur niveau régional ou national mais bien celui qui parvient à accompagner ses pitchouns de la première heure le plus haut et le plus longtemps possible. Car il est finalement très facile d’accompagner les plus doués, les plus motivés, ceux qui sont au dessus. Beaucoup moins de cerner des potentiels moins évidents, d’intégrer tout le monde dans un vrai projet collectif, de permettre à un maximum de franchir les étapes, au rythme de chacun. Ce sont ces éducateurs là qui nous intéressent, ceux qui parviennent à transcender et à respecter les personnalités, à préserver les spécificités, même si elles ne sont pas immédiatement rentables, même si elles ne font pas toujours gagner. Ceux qui laissent le moins de gamins possibles au bord du chemin. Après avoir (trop) longtemps accordé la priorité aux gabarits, puis avoir offert trop de place aux seuls talents individuels, les éducateurs d’aujourd’hui ont le devoir de revenir à des valeurs plus éducatives, pour faire la part belle à ceux qui s’inscrivent dans un collectif, qui aiment se faire des passes au moins autant que de marquer des buts, qui comprennent le jeu. Forcément, ces notions là sont plus difficiles à appréhender, plus complexes à détecter. Elles ne vous permettront certainement pas de gagner des places au classement des meilleurs clubs amateurs et formateurs de France mais, si vous avez la chance de tomber sur des éducateurs qui parviennent à les valoriser, elles feront de votre club un vrai club formateur. Et vous garantiront avec plus de certitudes la possibilité de conserver longtemps le fruit de votre travail.
Tom Boissy – Copyright Coach-Adjoint
C’est quoi un (bon) club de jeunes ?