
Le boom du football féminin, aussi rafraichissant et stimulant soit-il n’est pas sans poser de vrais problèmes à des clubs parfois pris en otage par cet engouement sans précédent, entre l’afflux de nouvelles licenciées à assumer et la pression d’une FFF déconnectée de la réalité du terrain et trop pressée de, vite, surfer sur la vague, avant qu’elle retombe.
En imposant coûte que coûte à ses clubs d’avoir des sections féminines, la FFF a incontestablement favorisé le développement du foot féminin en France. La réussite populaire et médiatique de la dernière Coupe du monde démontre que la demande est forte et que les passionnés de foot français sont prêts à basculer du masculin au féminin avec le même enthousiasme. Mais si, au plus haut niveau, dans le sillage de l’Olympique Lyonnais, de Montpellier ou du PSG, les clubs pros ont su dans leur majorité transformer ce qu’ils appréhendaient d’abord comme une contrainte, en levier supplémentaire de développement, la réalité est bien différente au niveau amateur.
Les effets pervers d’une nouvelle forme de pratique…
Plus bas, en effet, des clubs déjà en manque d’éducateurs compétents s’inquiètent des conditions dans lesquelles ils vont bien pouvoir absorber ce nouvel arrivage. En s’arrêtant en quart de finale, les Bleues ont réduit l’impact de la Coupe du monde dans l’opinion publique, mais sans remettre en cause le nouveau regard que portent désormais nos plus jeunes filles sur le plus universel des sports. Des filles qui n’avaient pas attendu cet été pour prendre le chemin des terrains et afficher des posters des stars du PSG, du Barça ou de Manchester City dans leur chambre. Des filles qui n’avaient pas attendu Gauvin, Diany ou Le Sommer pour débarquer dans les clubs y imposer une nouvelle forme de pratique, avec des mentalités et des attentes différentes, et une culture foot beaucoup moins marquée. Sans faire la révolution, ces nouveaux profils de licenciées, qui ont une approche du football et de la compétition déconnectée des codes habituels, ont généré parfois des effets pervers. S’il est hors de question de remettre en cause la saine motivation de la plupart d’entre elles pour la balle ronde, et l’authentique passion qui les anime, il est indéniable que l’effet de mode et le seul plaisir de suivre les copines amènent dans nos clubs de nouvelles pratiquantes, des footballeuses de circonstances. Et d’imposer aussi une approche inédite pour laquelle les éducateurs ne sont que rarement formés. Ceux qui l’ont déjà testé le savent, le management d’une équipe féminine n’a que peu à voir avec celui d’une équipe masculine du même âge et du même niveau. Pour cela, et jusqu’à présent, rares sont les clubs qui sont parvenus à intégrer totalement leur section féminine dans leur fonctionnement, à ne pas en faire un club dans le club, à éviter les luttes intestines, la création de clans. Sans tomber dans la caricature, l’exemple de ce club d’Aquitaine qui a vu partir la totalité de son équipe féminine senior du jour au lendemain, dans la commune voisine, pour suivre un entraîneur qui aurait espéré plus de reconnaissance, illustre une problématique bien réelle et le manque d’ancrage profond du foot féminin français dans les clubs.
Ce nouvel attrait, qui devrait renforcer nos structures, les redynamiser, risque de se transformer, au contraire, en vecteur de déstabilisation supplémentaire pour nos clubs
Quand les dirigeants, pressés par des instances fédérales obsédées par la course aux licences, tentent de suivre le rythme et se mettent en quatre pour offrir un encadrement de qualité, ils se heurtent à des mentalités encore moins impactées par une notion de club qui, de toute façon, ne signifie plus trop grand chose dans le football d’aujourd’hui. Et ce nouvel attrait, qui devrait renforcer nos structures, les redynamiser, risque de se transformer, au contraire, en vecteur de déstabilisation supplémentaire. En voulant accélérer le développement du foot féminin, la FFF a obligé les clubs à créer des équipes féminines, à s’organiser pour ça, sans forcément en avoir ni les moyens, ni l’envie. Elle est peut-être allée trop vite en besogne avec le risque d’une sortie de route qui pourrait tout remettre en cause et surtout ostraciser une pratique aux racines encore fragiles.
Tom Boissy – Copyright Coach-Adjoint
Foot féminin : attention au retour de bâton