
En automne, comme les feuilles, les entraîneurs se ramassent à la pelle. Sylvinho, Printant, Casanova en L1, Lair, Almeida en L2, Pujo en National… tous victimes de leurs mauvais résultats qui placent leurs dirigeants devant l’obligation de rapidement trouver un nouveau profil pour se relancer. Et d’hésiter entre un coach d’expérience capable de remettre l’équipe sur les bons rails ou un technicien plus jeune pour apporter plus de fraîcheur. En France, trop souvent, la première option a la faveur de présidents trop frileux. Pourtant, que risqueraient-ils à miser sur la jeunesse ?
Avec la Série A, la Ligue 1 est le championnat où la moyenne d’âge des entraîneurs (50 ans) est la plus élevée en Europe (voir encadré). Quand en France ils ne sont que deux à avoir moins de 40 ans (Luka Elsner à Amiens et Julien Stephan à Rennes), ils sont cinq en Allemagne et pas des moindres avec un porte drapeau, Julian Nagelsmann, qui fut élu, en 2017 avec Hoffenheim, meilleur entraîneur de l’année à seulement 30 ans, et qui fait le bonheur du Red Bull Leipzig cette saison. En schématisant à peine, quand un club est en difficulté de l’autre côté du Rhin, il ne considère pas obligatoirement que la solution passe par un supplément d’expérience sur son banc de touche. Au contraire, il estime que la situation est propice pour lancer un jeune technicien et lui offrir un terrain d’expression privilégié, moins pressurisé par des résultats qu’il ne peut qu’améliorer. C’est comme ça que Nagelsmann, qui n’est même pas un ancien joueur pro, a sauvé Hoffenheim de la descente pour le propulser en Ligue des Champions un an après. A l’inverse, en France, c’est en allant chercher Vahid Halilhodzic (67 ans), puis Christian Gourcuff (64 ans), après avoir essayé Claudio Ranieri (67 ans) que Nantes continue sa valse des coachs, en misant sur le duo Gasset-Printant (123 ans à eux d’eux) que Saint-Etienne a momentanément reverdi, en imposant le très expérimenté Rolland Courbis (66 ans) au plus novice Fabien Mercadal que le Stade Malherbe de Caen… est quand même descendu en L2 où il vient encore une fois d’éjecter son technicien (Almeida) pour miser sur Pascal Dupraz, dans une sorte d’entre soi qui repêche régulièrement les mêmes techniciens et coupe forcément aux plus jeunes le chemin du haut niveau. Résultat : la moyenne d’âge des coachs de Bundesliga (45,5 ans) est la même que celle des coachs de… National 2 chez nous (voir encadré).
45,5 ans : la moyenne d’âge des coachs de Bundesliga est la même que celle des coachs de… National 2 chez nous !
Si chaque club et un cas particulier, un contexte différent qui nécessite, peut-être, un certain profil d’entraîneur, force est de constater que les présidents de L1 et même, surtout de Ligue 2, ont les mêmes réflexes conservateurs qui accordent encore et toujours plus de crédit à ceux qui ont tout vécu, plutôt qu’à ceux qui ont tout à vivre. La voie prise par nos voisins germaniques démontre pourtant qu’il existe bien d’autres options, notamment celle de faire confiance à de jeunes entraîneurs, pas forcément d’anciens joueurs de haut niveau d’ailleurs, mais qui ont une approche différente, peut-être plus moderne et connectée à l’air du temps. Confrontés à des générations de joueurs qui n’ont plus les mêmes codes, qui n’appréhendent plus leur métier de la même manière, qui ne le vivent plus comme il y a une vingtaine d’années, quand ils jouaient encore, et sans généraliser évidemment, les entraîneurs qui nous parlent d’un temps que les moins de vingt ans (ou de trente ans !) ne peuvent pas connaitre ne sont pas forcément les mieux placés pour aider un club à se relever ou à se révéler.
Et aussi, et peut-être surtout, parce qu’ils sont toujours plus chers que leurs jeunes collègues. Le risque financier est donc plus important de faire signer un contrat de deux ou trois ans à un coach qui a quinze ans de L1 derrière lui que d’offrir un premier contrat à un autre qui a fait du bon boulot en National, en National 2, ou avec les jeunes d’un centre de formation. Quand on voit les sommes énormes que lâchent les clubs aux entraîneurs qu’ils licencient, des millions d’euros parfois, on cherche à comprendre… pourquoi les présidents prennent autant de risques quand il serait nettement plus raisonnable de confier les clés à un technicien plus jeune, forcément moins médiatique, mais pas moins compétent pour relever le défi. Quand vous savez, en plus, que deux fois sur trois un changement d’entraîneur en cours de saison n’améliore pas la situation… on cherche toujours à comprendre.
A 36 ans, Tuchel débutait en Bundesliga. En France, à cet âge, aucun entraîneur ne peut espérer recevoir un coup de fil d’un président de L1
C’est pourtant bien en qualité de plus jeune entraîneur de Ligue 1, la saison passée, que Julien Stephan, pour son premier poste avec les pros, a enfin réussi à faire gagner une coupe de France à Rennes après 48 ans d’attente. C’est pourtant sans jamais avoir exercé au niveau pro, ni comme joueur, ni comme coach, que Christophe Pélissier a propulsé le SC Amiens du National à la Ligue 1 pour la première fois de son histoire. Bien au delà de l’âge, les exemples sont nombreux de techniciens français qui n’ont pas paru très « handicapés » par leur manque d’expérience, Stéphane Moulin, Bernard Blaquart ou David Guion, pour découvrir la L1 avec le SCO Angers en 2015, ou raviver le mythe des Crocodiles et du Stade de Reims. Il existe donc bien, quelque part en National, National 2 ou National 3, dans des staffs d’équipes pros ou avec les jeunes, des entraîneurs qui ont les compétences et le profil et qui n’attendent qu’un signe pour avoir leur chance. A Guingamp, Sylvain Didot (44 ans) a su saisir la sienne après avoir fait ses gammes à Saint Brieuc de la DH au CFA. En cherchant bien, tous les présidents en quête d’un nouveau coach pourraient trouver leur Julien (Stephan) ou Julian (Nagelsmann) à eux. Non seulement ils feraient peut-être souffler un vent de fraîcheur salutaire sur un des championnats les moins spectaculaires d’Europe mais en plus ils éviteraient peut-être d’aller recruter un jour à prix d’or un entraîneur qui, après avoir arrêté le foot à 25 ans, a fait ses débuts en Bundesliga à 36 ans sur le banc de Mayence, un certain Thomas Tuchel. Il en va des coachs comme des joueurs que vous formez, ou pas. Malheureusement, à 36 ans, en France, à part par accident, aucun entraîneur ne peut encore espérer recevoir un coup de fil de Jean-Michel Aulas, Olivier Sadran ou Roland Romeyer.
Tom Boissy – Copyright Coach-Adjoint
L’âge moyen des coachs en Europe*
– 50,4 ans en Série A
– 50,2 ans en Ligue 1
– 49 ans en Premier League (avec les 72 ans Roy Hodgson à Crystal Palace !) – 48,2 en Liga
– 48 ans en Liga Nos (Portugal)
– 45,5 ans en Bundesliga
L’âge moyen des coachs en France*
– Ligue 1 : 50 ans
– Ligue 2 : 52 ans
– National : 47,5 ans
– National 2 : 45,5 ans
*En début de saison
Coachs : et si on faisait (enfin) confiance aux jeunes ?