
En choisissant Rudi Garcia, Antoine Kombouaré et Pascal Dupraz pour remplacer Sylvinho, Alain Casanova et Rui Almeida, des entraîneurs catalogués moins « sanguins », les dirigeants de Lyon, Toulouse et Caen espèrent offrir un supplément d’âme à leurs joueurs. Comme si le tempérament du coach agissait aussi sur celui de son groupe. A coach de caractère, équipe de caractère ? Pas si sûr.
Est-il vraiment si pertinent de nommer un entraîneur à poigne sur le banc pour réveiller une équipe endormie ? A regarder le profil des entraîneurs promus cet automne, il faut croire que les présidents pensent que oui.
A Toulouse, en déclarant, lors de sa première déclaration publique, « qu’il fallait retrouver le goût de mettre des tampons », Antoine Kombouaré ne laissait planer aucun doute sur la teneur du discours qu’il entendait avoir devant ses joueurs, sur les leviers psychologiques qu’il allait actionner.
A Caen, c’est aussi les qualités de meneur d’hommes de Pascal Dupraz, validées lors de son passage à… Toulouse en 2016, qui ont intéressé les dirigeants normands.
A Lyon, pour justifier le choix de Rudi Garcia au détriment de Laurent Blanc, le président Aulas a reconnu qu’il voulait « un combattant, quelqu’un qui intervienne rapidement pour gagner des matchs, dans un contexte où on avait besoin d’aller à la bagarre ».
Face aux mauvais résultats d’une équipe, davantage que la stratégie et les orientations de jeu, ou les choix de joueurs – quels leaders techniques, de vestiaires etc. ? -, c’est presque toujours l’investissement mental, donc l’engagement physique qui en découle, qui est d’abord remis en cause. Et c’est en confiant les clés du camion à un technicien catalogué « meneur d’hommes », qui va immédiatement agir sur ces notions de combat et de solidarité, qu’on espère le remettre sur la route. Comme s’il suffisait de gueuler un bon coup, d’y aller d’un tour de vis disciplinaire supplémentaire pour avoir de meilleurs résultats. Même si le raisonnement est simpliste et sous-estime tous les autres paramètres qui interviennent dans la réussite, ou l’échec, d’une équipe… pourquoi pas. Beaucoup d’expériences passées ont démontré que ça pouvait fonctionner… ou pas. Car, en pareille situation, si neuf présidents sur dix optent pour ce choix basique, statistiquement il faut aussi savoir que deux changements de coach sur trois en cours de saison n’améliorent pas les résultats.
Dans une société où la communication est devenue reine, tous les messages, même subliminaux, sont susceptibles de toucher des joueurs plus influençables que jamais.
Si cette vision, forcément à court terme, a ses adeptes en seconde partie de saison, lorsque tous les points comptent double et que se rapproche la perspective d’un déclassement, elle interpelle davantage aujourd’hui que les hiérarchies sont loin d’être établies. Pourtant, en L1, avec leurs homologues de Saint-Etienne qui ont fait appel à Claude Puel, les présidents Aulas et Sadran ont peut-être fait le bon choix. Car dans une société où la communication est devenue reine, avec le football en fer de lance, tous les messages, même subliminaux, sont susceptibles de toucher des joueurs plus influençables que jamais. Et qui attendent de la part de leur entraîneur, par manque de maturité parfois, de lucidité souvent, ou d’éducation, un signe à capter, une direction à prendre, une philosophie à défendre. Lorsque, collectivement, ce déficit de caractère ou de tempérament est trop fort, forcément, le président sera tenté de compenser en appelant un coach-lieutenant, à l’ancienne, un entraîneur qui s’empressera d’annoncer la couleur dès son intronisation sur le thème « il va falloir retrouver le goût de mettre des tampons ». Voilà pour l’écume, le vernis, le message transmis à la presse et aux supporters. Pour le reste, ce qui compte vraiment, la réalité d’une relation entraîneur-entrainé, le temps, seul, sera juge, pour savoir si, ces déclarations d’intentions peuvent déboucher sur des orientations tactiques, une stratégie sportive et un management adapté à la situation. Car il ne faut pas oublier que ce sont souvent ceux qui ont un coup d’avance qui parviennent à tirer leur épingle du jeu, ceux qui ne tirent pas trop de plan sur la comète après un match perdu ou gagné. D’habitude largement plus patient que la moyenne avec ses entraîneurs, le président Aulas a fait une exception à sa règle en éjectant Sylvinho seulement deux mois après l’avoir nommé…
On ne part pas à la guerre avec Laurent Blanc ?
Et c’est peut-être pour ça, parce qu’il part un peu dans l’inconnu pour cette saison à haut risque, qu’il n’a pas voulu griller sa carte Laurent Blanc, préférant l’utiliser si jamais la solution Garcia, son deuxième choix, ne donnait pas satisfaction. Pas sûr que ça console un Laurent Blanc peut-être victime une fois de plus d’une réputation qui ne correspond pas à ce qu’en attendent les clubs en crise de résultats : celle d’un coach « combattant » capable « d’aller à la bagarre ». Si on était lui, à partir de maintenant, et s’il n’était pas vacciné par le milieu du foot, on éviterait de se faire prendre en photo avec un club de… golf dans les mains ! Et on ajouterait à une palette de technicien et de manager, largement démontrée à Bordeaux ou au PSG, une branche supplémentaire, peut-être celle de consultant télé, un peu grande gueule et plein de certitudes. Ça ne lui ressemble pas mais, face à la caméra, loin du terrain et de ses réalités, rien de mieux pour s’inventer un personnage, changer son image et peut-être s’ouvrir des portes. Trois ans après son licenciement d’un PSG qui n’a pas avancé d’un pouce sur l’échelle européenne depuis, on doute qu’il en arrive là mais la manière avec laquelle les présidents de clubs, pro ou amateur, choisissent leur entraîneur est parfois tellement irrationnelle qu’on comprend ceux qui s’y essayent. Même si on préfèrera toujours ceux qui restent eux-mêmes. Avec leur caractère.
Tom Boissy – Copyright Coach-Adjoint
Coach de caractère, équipe de caractère ?